« L’Entreprise qui Vient » est une initiative prospective lancée par le Réseau Université de la Pluralité, en collaboration avec des experts tels qu’Ingrid Kandelman (L’Onde Zéro) et Philippe Hagmann (Le travail redistribué) et en partenariat avec Usbek & Rica.
Ce projet vise à combler le manque d’études prospectives centrées sur l’entreprise, prise en tant qu’entité. En explorant comment sa nature, son organisation, sa gouvernance et ses modèles économiques pourraient évoluer face aux défis contemporains tels que le changement climatique, les crises récurrentes et l’évolution des attentes sociétales, le projet propose une réflexion collective et imaginative pour repenser le rôle des entreprises dans un futur incertain.
Début décembre, un redditeur a posté notre subreddit une demande d’aide en rapport avec la thématique « Usine du futur » et par association d’idée, je me suis rappelé ce projet rangé dans ma PAL depuis début 2024 et que je n’avais pas eu le temps de consulter.
Dans un premier temps, je pensais faire une note de lecture sur un des textes issu de la matière foisonnante qu’a produit le projet, mais il m’a semblé plus intéressant de présenter succinctement l’initiative dans son ensemble. Ceux et celles que ça intéressent pourront accéder directement aux sources qui restent tout à fait accessibles, très agréables à lire et qui, me semble-t-il, perdraient en intérêt si elles venaient à être résumées. Je vous mets donc ici une simple présentation du contexte général du projet et quelques liens d’articles.
« L’Entreprise qui Vient » – Contexte général
Face aux transformations profondes que traverse notre monde – changement climatique, crises multiples, innovations technologiques – il devient crucial de repenser la nature même des entreprises. « L’Entreprise qui Vient » est un projet lancé entre 2020 et 2022. Coordonné par le Réseau Université de la Pluralité, ce projet rassemble des représentants de plus de 40 entreprises, des syndicats comme la CFDT, l’Anact, ainsi que des chercheurs, autour d’une question essentielle : à quoi pourraient ressembler les entreprises de 2050, et comment répondre dès aujourd’hui aux défis qu’elles rencontreront ?
Cette initiative s’est appuyée sur une méthode mêlant prospective classique et imagination fictionnelle. Au cœur du processus, des ateliers collaboratifs ont été organisés, rassemblant des participants issus d’organisations diverses. Ces groupes, accompagnés par des écrivains de science-fiction, ont imaginé douze entreprises fictives, chacune reflétant des réponses potentielles aux enjeux de demain. Les récits produits lors de ces sessions ne cherchaient pas à peindre un avenir idéal, mais à explorer des scénarios contrastés et parfois inconfortables. L’objectif était de mettre en lumière des tensions, des dilemmes et des pistes de réflexion.
De ces travaux ont émergé deux grands axes structurants.
- Le premier oppose la politisation des entreprises, qui prennent en charge des enjeux sociétaux et écologiques, à leur autonomisation, où elles se recentrent uniquement sur leur efficacité et leur profitabilité.
- Le second examine l’entreprise comme projet collectif, visant une mission commune, par rapport à une entreprise vue comme un dispositif hyper-optimisé pour produire de la valeur.
Ces tensions ont permis de dégager dix archétypes d’entreprises du futur, offrant une typologie pour réfléchir aux évolutions possibles. Parmi ces archétypes figurent par exemple la « Corp B », une entreprise guidée par une mission d’intérêt collectif, ou encore la « ZombInc », qui continue d’exister malgré son inadéquation avec les besoins de son époque.
Pour relier ces idées au présent, des « ateliers d’atterrissage » ont été menés au sein de plusieurs organisations participantes, afin de transposer ces récits fictionnels en pistes d’action concrètes. Ces travaux ont également inspiré des publications, notamment des cahiers thématiques dédiés à chaque archétype, enrichis par des commentaires d’experts et des illustrations produites par des étudiants en arts visuels.
En parallèle, le projet a mobilisé des partenaires variés issus de secteurs privés, publics et associatifs, renforçant la diversité des points de vue. Des entreprises telles qu’Air Liquide, Ubisoft, Decathlon ou encore La Poste ont apporté leur expérience, enrichissant le dialogue collectif. Ce croisement des perspectives a permis d’aborder les mutations futures de l’entreprise de manière globale et transversale.
« L’Entreprise qui Vient » ne prétend pas prédire l’avenir, mais invite à repenser les fondations mêmes de l’entreprise face aux crises environnementales, sociales et économiques. En mêlant imagination et réflexion, le projet propose un cadre stimulant pour débattre, agir et s’adapter aux incertitudes du futur. Il ouvre ainsi la voie à des entreprises plus résilientes, porteuses de sens et capables d’assumer un rôle actif dans les transformations à venir.
Découvrir le projet dans son intégralité
www.plurality-university.org/fr/projets/lentreprise-qui-vient
Ressources produites par le projet
Liste des articles parus sur Usbek & Rica
- L’entreprise qui vient : et si tout devenait marchandise ? : L’article examine l’hypothèse d’une marchandisation généralisée, où chaque aspect de la vie et de la société devient une opportunité commerciale pour les entreprises.
- L’entreprise qui vient : et si on commercialisait les services essentiels ? : La réflexion porte ici sur les implications de la commercialisation des services essentiels, tels que l’eau, l’énergie ou la santé, et leur impact sur la société.
- L’entreprise qui vient : et si on travaillait sans dégrader ? : L’article explore des modèles d’entreprises qui cherchent à produire sans nuire à l’environnement, en adoptant des pratiques durables et responsables.
- L’entreprise qui vient : et si la mission précédait l’entreprise ? : L’analyse envisage des entreprises fondées autour d’une mission sociétale ou environnementale forte, guidant leur existence et leurs actions.
- L’entreprise qui vient : et si on s’entraidait entre entreprises ? : L’article discute des avantages et des défis de la coopération inter-entreprises, visant à créer des synergies et à renforcer la résilience collective.
- L’entreprise qui vient : et si on se moquait d’être vertueux ? : Réflexion critique qui interroge l’authenticité des démarches vertueuses des entreprises, souvent perçues comme des stratégies de communication plutôt que des engagements réels.
- L’entreprise qui vient : et si on automatisait le travail ? : L’article explore les conséquences de l’automatisation accrue du travail sur l’emploi, la productivité et la structure des entreprises.
- L’entreprise qui vient : et si on faisait société pour de vrai ? : L’analyse propose une vision de l’entreprise comme acteur central dans la construction d’une société plus juste et solidaire.
- L’entreprise qui vient : et si l’épanouissement professionnel passait avant tout ? : L’article examine l’idée d’entreprises plaçant le bien-être et le développement personnel des employés au cœur de leur modèle.
- L’entreprise qui vient : et si on mutualisait les ressources ? : Quels seraient les bénéfices et les défis de la mutualisation des ressources entre entreprises, favorisant une utilisation plus efficiente et durable.
Consulter aussi la liste des articles parus sur le site du projet
Le site du projet en lui même offre une riche collection de ressources dédiées à l’exploration des transformations sociétales à travers des pratiques créatives et collectives dont une trentaine d’articles.
On y trouve des réflexions sur des thèmes variés, tels que : la prospective créative, le récit collectif et les pratiques artistiques pour la durabilité, illustrées par des articles comme Qu’est-ce que la prospective créative ? ou Pratiques créatives collectives pour la transformation : premiers enseignements.
Les articles explorent également des méthodologies de collaboration novatrices, comme dans The Creatures Framework: creative practices for sustainability ou Naviguer les Archipels de pratiques collectives. Des récits inspirants et des témoignages de penseurs et praticiens internationaux, tels que Liz Miller, Cassie Robinson et Johannes Nuttinen, éclairent la façon dont l’imagination collective et les alliances transdisciplinaires peuvent générer des transformations durables.
Enfin, des initiatives collaboratives telles que La Fabrique de l’Entreprise Qui Vient ou Agora proposent des espaces de dialogue et de co-création pour imaginer des futurs alternatifs.
Le site est un véritable laboratoire d’idées, mêlant prospective, art et engagement collectif pour repenser les enjeux de notre époque.
Réseau Université de la Pluralité (U+)
Le Réseau Université de la Pluralité (U+ – direction Daniel Kaplan), organisation à but non lucratif basée en France mais rassemblant des membres du monde entier, se consacre à imaginer et promouvoir des transformations sociales et écologiques justes et durables. Son objectif est de remettre en question les représentations dominantes en mobilisant l’imagination à travers l’art, la fiction, la prospective et la spéculation. U+ constitue un espace ouvert dédié à l’expérimentation et au partage, où des individus et des organisations explorent collectivement de nouveaux futurs.
L’action d’U+ s’articule autour de plusieurs axes : renforcer la capacité d’imaginer le changement, créer des espaces d’échange pour projeter des futurs alternatifs et concevoir des formes artistiques et innovantes pour transformer le monde. À travers des projets comme L’Entreprise qui Vient ou Narratopias, le réseau explore des pratiques créatives collectives et des méthodes prospectives. Il développe également des outils de « Futures Literacy » pour aider les individus et les communautés à mieux anticiper et façonner les changements à venir.
Les membres d’U+ travaillent à identifier et relier des initiatives où se croisent art, recherche et innovation sociale, en organisant des événements tels que conférences, festivals et ateliers. Ces rencontres visent à rendre les imaginaires accessibles et à inspirer des actions concrètes. L’association est portée par une équipe multidisciplinaire, réunissant des compétences variées en beaux-arts, philosophie, graphisme, recherche et entrepreneuriat social. L’équipe collabore avec divers partenaires pour mener à bien des projets ambitieux tout en favorisant un dialogue ouvert.
Fin 2024, U+ compte plus de 700 membres partout dans le monde. Les activités et projets d’U+ associent tous les individus désireux d’y prendre part. En mobilisant l’intelligence collective, elles explorent à la fois des thématiques et des pratiques dans le but de rendre les transformations écologiques, sociales et économiques de notre monde actuel à la fois concevables et possibles. U+ est hébergée à Paris dans l’espace Censier, un lieu collectif de création et d’innovation dédié aux structures associatives, artistiques et sociales. Cet environnement collaboratif reflète l’engagement d’U+ pour un avenir inclusif et participatif, où l’imagination devient un levier de transformation.
Autres sources que j’ai consulté :
- Comment la prospective enrichit-elle les processus d’innovation dans les organisations ? – Mélissa Levaillant – Antoine Maire
- Nouvelles formes d’organisation et évolution de l’entreprise – Alain Desreumaux
- Les théories écologiques de la littérature : de l’écopoétique à la biocritique – Alexandre Gefen
- Futurs Pluriels, une étude de cas de prospective créative et participative – Déborah Castelin
- Solarpunk : quel impact ce mouvement utopique a-t-il sur l’industrie technologique? – podcast par Carlos Diaz
- L’économie selon… Catherine Dufour – Podcast Radio France
- Comment la science-fiction aide les entreprises à choisir de nouvelles orientations – 20minutes.fr
- L’entreprise vue par la science-fiction : d’aujourd’hui à demain – par Corinne Gendron & Michel Pierssens